Au-delà de la dichotomie : accepter le pluralisme juridique au Mali et en réconcilier les composantes
Erwin van Veen, Diana Goff & Thibault Van Damme
Novembre 2015
Au-delà de la dichotomie : accepter le pluralisme juridique au Mali et en réconcilier les composantes
Rapport de la CRU
Le Programme Sahel est financé par le
Nationale Postcode Loterij

Synthèse

Ce rapport soutient et justifie que, à court et moyen terme, de meilleurs résultats en matière de justice ne peuvent être atteints qu’en stimulant une meilleure reconnaissance mutuelle, et en développant des synergies, entre les système judiciaires coutumiers et étatiques du Mali, tous deux étant dès lors considérés comme des composantes à peu près égales de l’ « écosystème judiciaire » du pays. Accepter que l’État malien n’a pas le monopole de la justice, qu’il ne parviendra pas à l’avoir et ne devrait pas y aspirer dans les prochaines décennies est une donnée fondamentale si l’on souhaite améliorer la façon dont la justice est rendue dans les affaires qui concernent les Maliens dans leur vie quotidienne. Dans la mesure où pareille entreprise sera controversée, une approche progressive est nécessaire afin de déterminer les orientations de développement envisageables et réalisables. Un processus en cinq étapes peut y contribuer :

1.
Dresser un état des lieux de la nature et de la légitimité des divers systèmes judiciaires que connaît le Mali en vue de mieux évaluer la qualité de leurs résultats et leur potentiel de développement.
2.
Organiser des « sommets judiciaires » dans tout le Mali afin de discuter des problèmes rencontrés par les citoyens maliens vis-à-vis de leurs systèmes judiciaires ainsi que de la manière de les résoudre par le biais de mécanismes judiciaires étatiques et coutumiers.
3.
Recourir plus fréquemment aux services des hauts représentants du droit coutumier en leur qualité d’auxiliaires de la justice d’État afin de multiplier les occasions de rencontre et de partage entre les différents éléments du pluralisme judicaire Malien.
4.
Œuvrer pour que soient reconnus de façon juridique et formelle les systèmes judiciaires coutumiers qui bénéficient d’un degré suffisant de légitimité populaire et qui sont favorables à un processus de développement afin d’offrir aux Maliens des « voies de recours judiciaire » mieux coordonnée.
5.
Imaginer le visage futur du système judiciaire malien sur la base des étapes 1 à 4, en s’appuyant sur les atouts des mécanismes étatiques et coutumiers tout en modernisant l’appareil et en lui conservant sa cohérence à l’égard de la culture du pays.

Remerciements

Nous tenons à remercier la Nationale Postcode Loterij (loterie nationale néerlandaise), qui a généreusement parrainé le programme Sahel de la Clingendael Conflict Research Unit, dont le présent rapport est un des produits. Sans ce soutien, l’élaboration du présent rapport n’aurait pas été possible.

Nous souhaiterions également exprimer notre gratitude envers Lalla Mariam Haidara du CERCAD (Bamako, Mali), qui nous a aidé à identifier les personnes à interviewer pour cette étude, nous a permis de les rencontrer et nous a prodigué ses conseils afin de replacer dans leur contexte certaines des constatations qui ressortent des interviews.

Nous sommes aussi redevables de l’aide qui nous a été fournie par le Dr Abraham Bengaly et son équipe à l’Observatoire des Droits Humains et de la Paix (ODHP, Bamako, Mali) – constituée des membres suivants : Aguissa Ag Mohamed, Abdoulaye Moussa, Yaya Sidibé et Bocar Kalil –, qui ont mené des recherches essentielles sur l’« état de la justice » au nord du Mali, recherches que nous avons utilisées pour rédiger le présent rapport. Ils ont réalisé ces travaux dans un délai très court, mais avec rigueur analytique. Se rendre à Tombouctou, Gao et Kidal peut être risqué : nous leur sommes donc reconnaissants d’avoir réussi à mener à bien leur mission sans incident.

L’analyse qui est à la base du présent rapport a été effectuée en parallèle avec une analyse plus spécifique du processus pénal au Mali : ainsi nous avons pu utiliser les ressources et les conclusions des deux analyses, ce qui a permis d’en améliorer le contenu. Nous remercions Roelof Haveman (ambassade des Pays-Bas à Bamako, Mali) et Jan McArthur (International Development of Law Organization) d’avoir rendu cette collaboration possible.

Nous avons également beaucoup apprécié les conseils rapides et judicieux de Thomas Gilchrist (consultant indépendant en matière de droits de l’Homme et de différends) et de Grégory Chauzal (Institut Clingendael). L’un et l’autre nous ont apporté leur concours en plusieurs occasions lorsque nous cherchions à comprendre et à replacer dans leur contexte certains aspects des efforts internationaux visant à soutenir le système judiciaire malien.

Enfin, nous tenons à remercier Malick Coulibaly (ancien ministre de la Justice du Mali), Mamadou Ba (conseiller « État de droit » à l’ambassade des Pays-Bas au Mali), Jan de Vries (Netherlands Helsinki Committee) et Jort Hemmer (Institut Clingendael) pour la relecture du présent rapport. Jane Carroll a révisé le texte avec l’efficacité et la qualité que nous lui connaissons, et Textcetera a assuré sa composition. Les infographies ont été conçues par Frédérik Ruys (Vizualism) et l’excellente traduction a été réalisée par Tekschrijvers. Merci à tous.

Le contenu du présent rapport, ainsi que toute erreur qu’il pourrait contenir, demeurent bien entendu la responsabilité de ses auteurs.

À propos des auteurs

Erwin van Veen est chargé de recherche senior auprès de la Conflict Research Unit du Institut Néerlandais des Relations Internationales ‘Clingendael’. Il s’efforce de comprendre les politiques et les dynamiques de changement relatives à la sécurité et à la justice, ainsi que les dynamiques de conflit modernes et la nature des processus de paix qui y sont associés.

Diana Goff est chargée de recherche auprès de la Conflict Research Unit du Institut Néerlandais des Relations Internationales ‘Clingendael’. Ses recherches portent essentiellement sur la compréhension des dynamiques qui orientent l’action et l’organisation judiciaires dans des environnements précaires, y compris l’accès à la justice ainsi que les justices réparatrice, transitionnelle et coutumière.

Thibault Van Damme est assistant de recherche au sein de la Conflict Research Unit du Institut Néerlandais des Relations Internationales ‘Clingendael’. Ses recherches ont pour objectif principal de mieux comprendre les dynamiques politiques et de sécurité au sein des environnements fragiles d’Afrique.

Photo de couverture

Toguna, bâtiment public pouvant être utilisé dans le cadre de règlements judiciaires coutumiers.

© Leslie Lewis